L'Etat d'Israël a besoin de la guerre pour continuer à exister en tant que nation. Pour justifier l'érection de son mur de sécurité, pour conserver l’image de la citadelle « occidentale, démocratique et moderne » en terre arabe « réactionnaire », l'Etat d'Israël a besoin d'une guerre, même de basse intensité, pour faire sentir aux citoyens juifs d’Israël, que l’ennemi est toujours là. « Tout Etat véritable est un Etat militaire » disait le vieux Michel Bakounine, et il avait raison. « Israël n’est pas un Etat qui a une armée, c’est une armée qui a un Etat » a écrit Michel Warschawski, et lui-aussi n’a pas tort. D’où l’obsession du gouvernement israélien d’empêcher l’Autorité palestinienne de simplement fonctionner, de l’acculer à la faillite, de pousser un peu plus la population de Gaza et de Cisjordanie dans la désespérance, désespérance qui se traduira en lutte armée, lutte armée qu’il faudra mater.

Pour empêcher que la crise économique et sociale ne débouche sur une crise politique majeure, l'Etat d'Israël a besoin de la guerre. Plus de 20% de la population est considéré comme pauvres ; le chômage est massif, les sans-logis sont légion. En 2006, le chef de file des travaillistes, le syndicaliste Amir Peretz, a même mené campagne sur le thème de la crise du modèle social israélien et non exclusivement sur celui de la sécurité. Israël a besoin de la guerre car Israël, compris comme Etat juif, est en sursis. La démographie le condamne. Dans une génération, les Arabes, citoyens israéliens, seront majoritaires et il serait étonnant qu’ils ne remettent alors en cause les fondements théocratiques d'un Etat qui a fait d’eux, depuis des décennies, des citoyens de seconde zone condamnés massivement à la marginalisation sociale et politique. Ils sont les cauchemars des défenseurs d’un Israël ethniquement pur, condamné au militarisme et à la paranoïa.

L'Etat d'Israël a besoin de la guerre comme il a besoin d'un Ahmaninejad à la tête de l'Iran, d'un Oussama Ben Laden dans les zones tribales pakistanaises. Comme tout Etat, il ment. Il clame qu'il veut la paix tout en poursuivant la colonisation des territoires palestiniens, ce qui ne peut que provoquer la colère des victimes, et donc la répression, et donc la justification de sa militarisation croissante. Il ment et il panique car il sent de plus en plus qu'au sein du monde occidental, les populations ne mordent plus comme avant à son hameçon idéologique. Ces populations n'ont plus les yeux de Chimène pour lui, ne le voit plus comme « l'Etat des Juifs victimes de la Shoah », mais comme un Etat démocratique, certes, mais aussi brutal, qui piétine le droit international et se pose en éternelle victime. Il panique et se lance dans une fuite en avant mortifère. Il dit aux Juifs de la diaspora : « L'antisémitisme ne cesse de progresser dans les démocraties occidentales. Ne faites pas comme vos aïeux qui dédaignaient en masse le sionisme. Votre salut est en Israël, venez ! » Mais comme le dit la sociologue Régine Azria, « force est de constater qu'Israël est aujourd'hui le seul pays où des Juifs meurent parce qu'ils sont Juifs. » (Alain Dieckhoff (sous la direction de), L'Etat d'Israël, Fayard, 2008). Il dit aux goys « Votre antisionisme n'est qu'une forme moderne de l'antisémitisme qui a mené nos grands-parents et parents dans les camps de concentration. » Et il se rejouit légitimement à peu de frais quand certains défenseurs de la cause palestinienne se répandent en déclarations racistes et tracent un trait d'égalité entre sionisme et nazisme, et se refusent à critiquer l'Autorité palestinenne ou, du moins, ce qu'il en reste.

Les élites politiques israéliennes, en se refusant à régler politiquement la « question palestinienne », se condamnent à bâtir une citadelle assiégée, soudée par la paranoïa, et à terme liberticide.