Le Monde comme il va - Tag - ReligionLe Monde comme il va, magazine anticapitaliste et libertaire, était une émission de radio hebdomadaire diffusée tous les jeudis à partir de 19h10 sur Alternantes FM, entre janvier 1999 et juin 2011. L'émission hebdomadaire a été remplacée par une chronique hebdomadaire diffusée chaque vendredi matin à 7h55 dans le cadre des Matinales d'Alternantes FM, toujours !2024-03-24T21:48:22+01:00Patsyurn:md5:18ad09a0b93313ed3ffae6b27434a016DotclearFanatisme religieux et néo-conservatismeurn:md5:b51914d88e6612d54ad04815593f1e752015-11-23T22:15:00+00:00PatsyActualité politiqueDaeshIrakReligionSyrie<p><strong>Nouvelle donne, vieille rengaine, émission n°4 (novembre 2015)</strong><br />
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De nouveau le terrorisme islamiste lié à Daech a frappé l'hexagone avec une violence rare. Ces « fous d'Allah » comme certains les appellent ont voulu punir l’État français pour son implication militaire dans un conflit syrien qui fait quotidiennement des dizaines et des dizaines de morts. Mais il y a plus que cela, plus que ce dent pour dent et œil pour œil.</p> <p>Le grand drame des djihadistes, c'est que dans leur immense majorité, les musulmans, les pratiquants comme les plus distanciés à l'égard de la religion, ne se reconnaissent pas dans leur lecture anhistorique, littérale du Coran, dans leur sectarisme qui fait d'eux les seuls vrais et respectables musulmans. Leur seul espoir de conquérir les musulmans de France est dans l'exacerbation des tensions inter-religieuses ici-même. Jouer sur le racisme et l'islamophobie, rendre insécure la situation des musulmans de France pour prouver que la place des vrais musulmans n'est pas ici, au milieu des infidèles, mais dans ce califat auto-proclamé qui émerge au coeur du Moyen-Orient. <br />
Vous l'aurez peut-être remarqué mais les djihadistes ne s'attaquent pas à l'extrême droite raciste et islamophobe parce qu'ils partagent avec elle la même idée centrale : le vivre ensemble est impossible, ou plutôt, le vivre ensemble ne doit pas être possible. Les djihadistes attaquent Paris la cosmopolite et tire indifféremment sur la population, sans se soucier le moins du monde de la couleur de sa peau ou de sa confession. Nos jihadistes, par leurs idées et leurs méthodes, sont d'extrême droite, même si parler d'islamo-fascisme n'a pas de sens, à moins de réduire le fascisme à une forme de totalitarisme et de mépris de la vie humaine, et d'oublier que le fascisme fut un paganisme.<br />
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En septembre 1990, Georges Bush, le père de l'autre, déclare devant le congrès : « Nous nous trouvons aujourd’hui à un moment exceptionnel et extraordinaire. La crise dans le golfe Persique, malgré sa gravité, offre une occasion rare pour s’orienter vers une période historique de coopération. De cette période difficile, notre cinquième objectif, un nouvel ordre mondial, peut voir le jour : une nouvelle ère, moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de la justice et plus sûre dans la quête de la paix. »<br />
Vingt-cinq ans plus tard, le monde est plus convulsif que jamais. Les Etats-Unis ont voulu exporter la démocratie, ou plutôt leur conception de la démocratie, celle qui a pour pilier le marché libre et non la justice sociale. Ils ont joué, seuls ou accompagnés, aux apprentis sorciers en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, comme si ces territoires étaient sans Histoire, sans structures sociales, sans rapports de force interne, et donc malléables à merci. Chacun sait pourtant que l'extrémisme religieux fleurit sur la désespérance sociale, la corruption, la violence étatique et les politiques discriminatoires. Ramener l'eau courante et l'électricité dans les foyers, remettre en état des services publics, rouvrir les écoles, faire que ce soit la justice et non l'arbitraire qui soit la règle… voilà en somme ce que demandent essentiellement des populations usées par des décennies d'autoritarisme politique et de guerre. Au lieu de cela, les néo-conservateurs ont joué les uns contre les autres, les chiites contre les sunnites par exemple, puni les uns et récompensé les autres. Ces pays sont devenus des poudrières sur lesquelles règnent des politiciens affairistes, des seigneurs de la guerre, des fanatiques religieux et le Big business.<br /></p>
<p>Daech a déclaré la guerre au monde libre disent certains. Non, Daech a déclaré la guerre à tout le monde, aux musulmans tout d'abord qu'ils massacrent sans pitié, et à notre insouciance, autrement dit à notre souhait de vivre paisiblement à l'écart des tourments du monde qui doivent tant à l'action de ceux que l'on a porté au pouvoir. Reste à savoir si, pour pouvoir jouir paisiblement des bienfaits de la société de consommation et de la démocratie représentative sans saveur qui est la nôtre, nous accepterons sans ciller de voir nos libertés être mises sous surveillance et nos indignations sociales être mises sous éteignoir au nom de l'Union sacrée.</p>Erdogan : la stratégie du pireurn:md5:617806bdde1bd6db068f6a3db17493782015-10-12T23:18:00+01:00PatsyActualité internationaleKurdistanNationalismeReligionTurquie<p><strong>Nouvelle donne, vieilles rengaines n°1 (12 octobre 2015)</strong><br />
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Que recherche Recep Tayyip Erdogan, le président turc ? Telle est la question qui se pose depuis qu'il a engagé l'armée dans une guerre brutale contre le mouvement kurde.<br />
Depuis 2003 et la conquête du pouvoir par son parti, l'AKP, le Parti de la justice et du développement, Erdogan a su conjuguer « modernité » et « tradition », et faire rimer développement capitaliste effréné et conservatisme religieux et sociétal. Il a incarné un temps un islamisme modéré dans lequel une grande partie de l'électorat turc s'est reconnu, notamment en province. Il fut même réélu brillamment en 2007, 2011 et enfin 2014, où il est devenu le premier président de la République de Turquie élu dès le premier tour de scrutin au suffrage universel direct. Malheureusement, cette victoire attendue ne fut pas complète puisque l'AKP n'a pas obtenu la majorité absolue. Or, autant que sa réélection, c'est la majorité absolue que recherchait Erdogan, car celle-ci lui était nécessaire pour faire passer son projet de réforme constitutionnelle faisant de la Turquie un régime présidentiel. Il faut dire que les années passant, Erdogan s'est transformé en une sorte d'« hyperprésident », en autocrate, multipliant les projets pharaonesques (ponts, buildings, palais...) censés incarner le retour au premier plan d'une Turquie moderne, fastueuse et islamo-compatible, une Turquie qui soit à la hauteur de ce que fut jadis l'Empire ottoman. Les islamistes, modérés ou radicaux, ont beau se référer à l'Ouma, à la communauté des croyants, ils n'en demeurent pas moins prisonniers des cadres nationaux dans lesquels ils s'expriment. A ce jeu-là, Erdogan n'est pas moins nationaliste qu'un kémaliste, et sa volonté de refaire de la Turquie une puissance régionale en témoigne.</p> <p>Le rêve d'Erdogan s'est heurté à la montée en puissance d'un parti, le Parti démocratique des peuples, rassemblement hétéroclite de forces et mouvements de gauche et d'extrême gauche, lié au mouvement kurde et aux mouvement sociaux. Lors des législatives du printemps 2015, le Parti démocratique des peuples, en dépassant les 10 %, a empêché le parti d'Erdogan d'obtenir la majorité absolue. Surtout, il est parvenu à rallier à lui des secteurs de la société kurde traditionnelle qui, par conservatisme religieux et social, apportaient leur soutien précédemment à Erdogan. Car il convient de ne jamais oublier que l'homme qui fait la guerre aujourd'hui au PKK et au peuple kurde est le même qui depuis 2009 s'est employé à mettre sur le tapis la question de la place des Kurdes dans la Turquie moderne. Dans un pays où pour les nationalistes les plus intransigeants, et Dieu sait s'ils sont nombreux, un Kurde n'est qu'un « Turc des montagnes » et à ce titre, n'a aucune revendication spécifique à faire valoir, l'ouverture d'un simple dialogue entre Erdogan et le PKK était une véritable provocation. Ce qu'Erdogan a fait, personne ne l'avait fait auparavant. Mais pourquoi l'a-t-il fait ? Par empathie pour les Kurdes ? Par calcul politique ? Concernant l'empathie, je n'y crois pas. Le positionnement d'Erdogan sur la question kurde est une façon de se démarquer radicalement de ces nationalistes intransigeants, souvent fascisants, incapables de régler autrement que par la violence la question kurde, et pas plus capable d'accepter des voix discordantes concernant le génocide arménien. En agissant ainsi, Erdogan se pose en rassembleur d'une nation plurielle dont le ciment ne serait pas la « turquité » mais l'Islam, comme au temps glorieux de l'Empire ottoman ; un Empire ottoman qui fonctionnait autant par la coercition que par la cooptation.<br /></p>
<p>Le 20 juillet dernier, un attentat-suicide dans la ville kurde de Suruc causait la mort d'une trentaine de militants kurdes réunis là pour convoyer de l'aide humanitaire destinée à la ville martyre de Kobane. Cet attentat n'a toujours pas été revendiqué mais pour le PKK, il ne fit aucun doute que leurs auteurs ne pouvaient être que des islamistes de Daesh bénéficiant du soutien des forces de sécurité turques ; hypothèse qui est tout sauf farfelue puisqu'il est de notoriété publique que le pouvoir turc n'a guère montré d'enthousiasme à l'idée d'empêcher Daesh d'affaiblir le pouvoir syrien et celui encore plus déliquescent d'Irak. En riposte, le PKK tua deux policiers turcs, fournissant ainsi à Erdogan le prétexte pour se lancer dans la « guerre contre le terrorisme », s'en prenant à la fois aux forces kurdes et, dans une moindre mesure, à celles de Daesh qui, depuis, s'est promis de conquérir Istanbul et de châtier le traître ! L'Histoire retiendra donc que c'est le PKK qui a rompu la trêve et non l’État turc, et c'est là tout ce que recherchait Erdogan.<br /></p>
<p>Cette posture de sauveur de la nation, contre les fous de Dieu et les « séparatistes », ne peut que lui apporter le soutien d'une partie de l'électorat turc nationaliste laïc. Il met également en porte-à-faux le Parti démocratique des peuples, très présent électoralement dans les zones kurdes mais qui pourrait perdre le soutien des électeurs turcs si la question nationale prenait le pas sur les questions sociale et sociétale lors des prochaines élections de novembre prochain. Car les citoyens turcs sont appelés de nouveau aux urnes à l'automne 2015, l'AKP, et donc Erdogan, n'étant pas parvenu à former un gouvernement d'union à la suite du dernier scrutin.<br /></p>
<p>Erdogan est en train de jouer un jeu dangereux : celui qui mène à la guerre civile. Pour se maintenir au pouvoir et gagner de nouveau mais plus largement les élections, il est en train de replonger la Turquie dans la « sale guerre », transformant le Kurdistan turc en zone spéciale, sous couvre-feu, où tous les mauvais coups sont permis. Ailleurs dans le pays, il laisse les nationalistes les plus radicaux et les fascistes mettre à sac les locaux du Parti démocratique des peuples. Etre contre lui, c'est être contre la Turquie, autrement dit c'est être un traître à la nation. La mise hors-jeu politique du Parti démocratique des peuples : voilà ce que vise Recep Tayyip Erdogan.<br /></p>
<p>Au bout de dix ans de pouvoir, Erdogan est un homme en fin de cycle. Il a conquis le pouvoir en parvenant à convaincre les électeurs trucs qu'il était un homme intègre parce que pieux. Il s'est fait réélire constamment parce que son bilan économique était bon : sous son règne, la Turquie s'est transformée, boostée par un fort taux de croissance ; n'avait-il pas déclaré qu'il voulait en faire la « Chine de l'Europe » ?<br />
Mais depuis une poignée d'années, il sent que son pouvoir lentement s'érode. La jeunesse urbaine et éduquée rejette son autoritarisme et sa mégolomanie. La contestation sociale gagne les usines depuis que le taux de croissance baisse, que le chômage augmente, et que les perspectives de développement deviennent plus sombres. Erdogan pensaient que les notables kurdes seraient des alliés fidèles et qu'en échange de la reconnaissance de la singularité culturelle kurde, ils le soutiendraient dans son combat contre les nationalistes laïcs et revanchards qui n'acceptent toujours qu'un islamiste ait été élu à la tête de l’État et ont déjà cherché à faire interdire par la justice l'AKP au nom de la défense de la laïcité ; malheureusement pour lui, dans l'est du pays, c'est le Parti démocratique des peuples qui est la force politique dominante et non l'AKP. Des journalistes dénoncent la corruption, l'affairisme de l'élite politique et économique, des cercles liés au pouvoir. Et même dans son camp, Erdogan est contesté par certains qui considèrent qu'il va trop loin, qu'il n'en fait qu'à sa tête et a fait du parti sa chose, qu'il l'entraîne dans une dérive dont il ne pourra sortir indemne. Or pas grand monde en Turquie n'a envie que l'armée, nationaliste, laïque et autoritaire, ne redevienne un acteur majeur de la scène politique…<br /></p>
<p>En jouant la carte du nationalisme le plus virulent, Erdogan le musulman essaie de séduire une partie de l'électorat kémaliste traditionnel, laïc et patriote, majoritaire dans l'Ouest du pays.<br />
Quelle valeur aura le scrutin de novembre prochain si l'Est du pays, majoritairement kurde, reste sous contrôle militaire ? Aucune évidemment. Mais Erdogan est le dernier à s'en soucier. L'important, quand on est au pouvoir, c'est de trouver le moyen de s'y maintenir.<br />
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Texte lu dans le cadre de la première émission de Nouvelle donne, vieilles rengaines. A <a href="https://nouvelledonnevieillesrengaines.wordpress.com/">écouter ici</a> !</p>A toute vapeur contre Boko Haram…urn:md5:0acdc3bba8155a48e0deb5252d86a3102015-02-16T12:20:00+00:00PatsyActualité internationaleNigeriaReligion<p><strong>Chronique (février 2015)</strong><br />
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Si l'on en croît certains observateurs, Boko Haram serait déjà sur le reculoir, et le fait que la secte nigériane ait tenté de s'emparer de quelques villes du sud-Niger est davantage le signe d'une fuite en avant qu'une démonstration de force. Ainsi il aura suffi qu'une véritable armée, en l'occurrence celle du Tchad, entre dans la danse pour que les troupes de Boko Haram connaissent de cuisants revers. Il faut dire que l'armée tchadienne est réputée pour son professionnalisme et sa brutalité, elle qui défend becs et ongles depuis tant d'années ce grand démocrate d'Idriss Déby, grand ami de la Françafrique. Mais si vaincre Boko Haram militairement est de l'ordre du possible, il sera tout aussi indispensable de s'attaquer aux conditions politiques, économiques et sociales qui ont rendu possible l'émergence d'un tel mouvement.</p> <p>Au début du présent siècle, Boko Haram était un mouvement protestataire prônant un Islam rigoriste et dénonçant le pouvoir central nigérian et ses alliés locaux, autrement dit les élites, les chefs traditionnels. Dans son viseur, il y avait la corruption, le clientélisme, la gestion de la rente pétrolière et la marginalisation politique et économique du nord du pays. Boko Haram en sait quelque chose puisqu'il est né et qu'il prospère dans le nord du pays, notamment dans l’État de Borno à la frontière du Tchad, du Niger et du Cameroun. C'est la répression extrêmement brutale subie par le mouvement et la liquidation physique et extra-judiciaire en juillet 2009 de son leader, Mohammed Yusuf, par les forces armées nigérianes qui ont transformé définitivement la secte réactionnaire, déjà peu portée au pacifisme, en un mouvement armé suffisamment puissant et inquiétant pour pousser les différents Etats de la région (Tchad, Cameroun, Niger, Bénin et donc Nigeria) à mettre sur pied une force multinationale capable de le contenir, le repousser voire de l'anéantir.<br /></p>
<p>On ne peut réduire Boko Haram à sa façade salafiste djihadiste, aux déclarations incendiaires de son émir Abubakar Shekau, à sa volonté de voir la charia être appliquée avec rigueur dans le nord du pays. Boko Haram n'est pas qu'une secte religieuse régnant par la terreur et instrumentalisant les conflits entre chrétiens et musulmans. Il est le canal par lequel une partie des Nigérians du nord a fait entendre sa colère, ses frustrations, son indignation. Cette colère, ces frustrations, cette indignation ne disparaîtront pas avec la mise hors-circuit de la secte grâce à une alliance de circonstances entre Etats pour l'essentiel mafieux et déliquescents, patronnée par l'ancienne puissance coloniale. La réponse sera politique, économique, sociale et culturelle. Si elle ne l'est pas, et elle a de grandes chances de ne pas l'être, la liquidation de Boko Haram n'aura servi qu'à clore qu'un cycle de violence radicale… en attendant le prochain.</p>Syrie, la violence comme seule issueurn:md5:95fa04523f357df1c527c631270cac1c2014-10-13T20:40:00+01:00PatsyActualité internationaleReligionSyrie<p><strong>Chronique (octobre 2014)</strong><br />
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<p>La pièce est sombre, le gamin se tient là, debout, et il tient à deux mains un revolver trop lourd pour lui sous le regard amusé d'une demi-douzaine de jeunes hommes.
Nous sommes quelque part en Syrie, en zone rebelle, loin de tout mais pas assez encore pour échapper aux bombardements de l'armée nationale. En attendant Daech…<br />
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<img src="http://patsy.blog.free.fr/public/.Syrie_m.jpg" alt="Syrie.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" title="Syrie.jpg, oct. 2014" /><br /></p> <p>Ces hommes sont jeunes et disponibles. Disponibles et sans espoir. Ce n'est pas à proprement parler la misère qui les a poussés à défier le régime de Bachar El-Assad, mais bien plutôt le sentiment que leur avenir social était condamné. Alors perdus pour perdus, ils ont pris les armes. Perdus pour perdus car ils n'imaginent pas autre chose que la mort comme issue à ce combat fratricide. Ils peuvent mourir, ils vont mourir, ils en sont sûrs et n'en ont plus peur. Car la peur a toujours fait partie de leur vie. La brutalité de la guerre ne les affecte même plus. Pas de quartier, pas de cadeaux. Ils n'ont plus le temps, l'énergie, la compassion de juger et punir. Trop d'amis sont morts, morts sous les bombes, morts les entrailles brûlées par la chimie. Trop d'amis sont morts pour avoir le courage, la folie de pardonner. Alors on coupe des têtes. On égorge, on décapite, on expose les têtes, on exulte et on dit à l'autre camp : « Regarde jusqu'où je peux aller ». C'est une lutte à mort qui se joue là. Barbarie ? Oui, autant que d'envoyer des drones faire le sale boulot. Ici, on a transféré à la technologie la plus sophistiquée la charge de tuer.<br /></p>
<p>Leur brigade est locale. Elle a été montée et financée, comme toujours, par un notable. A leur création en 2011, ils se sont affiliés à l'Armée syrienne libre. Aujourd'hui, ils font partie du Front islamique, rassemblement hétéroclite et de circonstances de salafistes et d'islamistes dits modérés, cartel financé aussi bien par la Turquie que le Qatar ou l'Arabie saoudite pour contrer Daech et ses rêves de Califat. Le problème de l'Islam radical est qu'il est condamné à se confronter à l'emprise du national. Ils sont musulmans, chiites ou sunnites, salafistes ou wahabites, revendiquent leur appartenance à l'Oumma, la communauté des croyants, mais n'en demeurent pas moins les habitants d'un Etat, les membres d'une nation. Al-Qaida est condamnée à voir ses alliés l'abandonner. Parce que ce sont des alliés de circonstances qui ne sont guère convaincus de l'importance que doit revêtir pour tous l'internationalisme salafiste.<br /></p>
<p>Nos moudjahidines rêvent tous que la Syrie se transforme en république islamique, parce qu'ils ne veulent pas de la démocratie immorale de l'Occident et parce que le socialisme et la laïcité ont toujours eu pour eux les traits d'un dictateur sans scrupule et affairiste. Ils sont pieux comme le sont la plupart des Syriens, mais ce ne sont pas des idéologues. Ils veulent juste vivre en paix et dans l'ordre social et moral ; et si Daech a pu s'installer aussi facilement en Irak et en Syrie, c'est qu'il a ramené de l'ordre, son ordre, en faisant fuir les corrompus et les racketteurs.
Leur brigade est locale, leur fonctionnement est tribal. Comme en Afghanistan ou en Irak, les chefs de guerre changent d'alliés au gré des circonstances et du rapport de forces du moment ; l'essentiel étant d'être là où il faut pour capter les ressources nécessaires au financement de ses troupes et à la survie de sa tribu et de son clan. Ils sont avant tout contre Bachar, l'incarnation du mal. Daech ? Pour l'heure, l’État islamique de l'Irak et du Levant est aussi leur ennemi, parce que sa puissance et son arrogance sont une menace pour les autres factions anti-Bachar. Mais demain...<br /></p>
<p>La pièce est sombre, le gamin se tient là, debout, et il tient à deux mains un revolver trop lourd pour lui. Quel âge a-t-il ? Qu'importe. Comme enfant, il est déjà mort.<br /><br /></p>
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<p><em>Cette chronique doit beaucoup au remarquable article de Thomas Cantaloube, </em>Plongée dans l'ordinaire des combattants rebelles syriens<em> (Médiapart, octobre 2014). Ce journaliste a interviewé longuement le sociologue Romain Huët qui mène en Syrie une longue enquête depuis 2012</em>. La photo est de Pierre Roth.</p>Turquie : fin de partie ?urn:md5:1174036862e276bd16f0ea575fcf0bc92014-02-02T19:56:00+00:00PatsyActualité internationaleReligionTurquie<p>En Turquie, Recep Tayyip Erdogan tient encore les rênes du pouvoir mais il sait que son temps est compté. Celui qui reçut le Prix Kadhafi des droits de l'homme en 2010 est plus que chahuté depuis près d'un an, tout à la fois par une fraction de la jeunesse que son conservatisme énerve, par l'armée qui plane au-dessus du pouvoir, prête à remettre « son ordre » si d'aventure Erdogan remettait en cause la laïcité turque, mais également au sein même de son parti, le Parti de la justice et du développement (AKP), où certains ne supportent plus son autoritarisme.</p> <p>Quand l'AKP a pris le pouvoir démocratiquement en 2003, certains analystes prédirent la fin de la Turquie laïque, sa transformation rapide en Etat islamique, réactionnaire, conservateur, rétrograde, avec charia et burqua. L'AKP n'était-elle pas le parti des notables ruraux aux mœurs d'un autre âge, au regard davantage porté sur l'Orient islamique que sur l'Occident libéral ?<br />
Il n'en fut rien. Erdogan n'est pas un fou d'Allah et l'AKP n'est pas un parti de talibans camouflés en islamistes modérés. C'est un parti conservateur, réactionnaire sur le plan des mœurs, libéral en économie, et nationaliste en diable. Si la pratique politique des partis islamistes nous a appris une chose, c'est qu'on n'abolit pas aussi facilement que cela les frontières nationales. On peut clamer que l'on parle au nom de l'Oumma, de la communauté des croyants, on parle avant tout à la communauté nationale des croyants. L'internationale islamiste a autant de consistance que l'internationale socialiste... <br />
Le nationalisme de l'AKP s'exprime dans la floraison actuelle de projets grandioses visant à redorer le blason national et de faire du pays une puissance internationale. Istanbul devrait se doter d'un troisième pont autoroutier, deux tunnels sous le Bosphore sont en construction, tout comme un pont suspendu sur le Golfe d'Ismit. Istanbul est en chantier permanent et l'AKP, ce parti de notables ruraux, est en pointe pour en faire une ville moderne dans laquelle les centres commerciaux ultra-modernes et les buildings témoigneront de la grandeur retrouvée de la Sublime porte. Evidemment, la plupart de ces projets ont fait l'objet de partenariats entre la puissance publique et le secteur privé pour le plus grand plaisir des businessmen locaux, proches de l'AKP. Cette politique de modernisation à marche forcée ne pouvait pas faire que des heureux puisqu'elle piétine tout à la fois le gueux urbain qui voit un centre commercial apparaître en lieu et place d'un espace vert (ex : le Parc Gezi), que l'élu local que l'on prie d’acquiescer aux décisions venues d'en haut.<br /></p>
<p>Nationaliste donc, et autoritaire. Et d'autant plus autoritaire que son pouvoir est remis en question, que son allié (Fethullah Gulen et sa confrérie) lui cherche des poux dans la tête, et que les accusations de corruption touchent les premiers cercles du pouvoir ; or c'est en mettant en avant la morale, la vertu et le don de soi que l'AKP a conquis la majorité de l'électorat turc. Erdogan est aux abois et pour se défendre, il ne sait jouer que sur deux ressorts : un conservatisme sociétal reposant sur une certaine lecture de l'Islam, et le nationalisme (la Grandeur ottomane) ; auxquels s'ajoute inévitablement la répression, dans un pays où l'on sort davantage le bâton que la carotte en période de crise politique ou sociale. Erdogan est un politicien roué, égocentrique, qui fera le maximum pour conserver le pouvoir. Son bilan plaide pour lui : Il a entamé un bras-de-fer avec les laïcs autoritaires et l'armée, avec tous ceux qui se réclament de l'héritage kémaliste, et il l'a gagné en partie en juillet 2011 en coupant quelques têtes dans les états-majors militaires sans que cela ne fasse de vagues ; il est parvenu à transformer la question kurde en problème à régler par la négociation ; il a jugulé la crise économique de 2008 et sa politique néolibérale est appréciée par le FMI.<br /></p>
<p>Son problème est en fait principalement interne. Il est en guerre contre le puissant Fethullah Gulen et sa confrérie, son ancien allié islamiste, qu'il accuse d'avoir noyauté la police et la justice et de chercher à le faire tomber en dévoilant des affaires de corruption. Erdogan joue sa peau, tout simplement. Jusqu'au ira-t-il ? Ou plutôt, jusqu'où ses alliés politiques le laisseront-ils aller, autrement dit jusqu'où le laisseront-ils tuer la poule aux œufs d'or et risquer de remettre en cause leur leadership politique, économique et social ? Telle est la question...<br />
Certains verront dans les tensions actuelles la preuve que l'AKP avait un agenda caché. Pour ma part, j'y vois plutôt un raidissement lié à une conjoncture particulièrement rude. Parce que le problème des règnes, c'est qu'ils ont une fin et qu'Erdogan rêve encore d'un quatrième mandat et de faire voter enfin la première Constitution civile de l'histoire du pays.<br />
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Nota : <br />
<em>Ce lundi 3 février s'est ouvert le procès de huit personnes, dont quatre policiers, accusés d'avoir battu à mort un manifestant de 19 ans pendant la fronde antigouvernementale de juin 2013. Il s'appelait Ali Ismail Korkmaz.</em></p>Pourquoi je ne suis pas chrétienurn:md5:b18d2e21cd33614a22543e4f681152c62011-11-29T12:27:00+00:00PatsyNotes de lectureEtats-UnisReligion<p><strong>Bertrand Russell</strong><br />
<em>Pourquoi je ne suis pas chrétien</em><br />
<a href="http://www.luxediteur.com/content/pourquoi-je-ne-suis-pas-chr%C3%A9tien">Lux</a>, 2011<br />
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<img src="http://patsy.blog.free.fr/public/.couv_russell-site_s.jpg" alt="couv_russell-site.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" title="couv_russell-site.jpg, oct. 2011" /></p> <p>A l'heure où le fondamentalisme chrétien fait de plus en plus d'émules outre-Atlantique, on peut trouver judicieux de publier un ensemble de textes sur la religion dû à la plume du philosophe et mathématicien Bertrand Russell, prix nobel de littérature en 1950. Cependant, cette brochure ne vaut pas tant, aujourd'hui, pour les textes eux-mêmes que par le destin que leur auteur connût en raison d'eux de l'autre côté de l'Atlantique.<br />
Que nous dit dans ces années 1920 cet humaniste et libre-penseur sur cette « maladie née de la peur <a href="http://patsy.blog.free.fr/index.php?post/2011/10/13/et" title="et">et</a> source de malheurs indicibles pour l'Humanité » ? Que la religion est une création humaine, qu'elle fut du temps de sa splendeur un obstacle aux progrès de la science et de la morale, qu'elle sert les puissants puisque pêché et enfer se tiennent la main pour maintenir l'être humain dans un état de soumission à l'Ordre. Rien donc que nous ne sachions déjà...<br /></p>
<p>Mais Russell ne pouvait s'imaginer qu'en 1940, les protestants américains se saisiraient de ses textes pour le mener au bûcher. Dans une postface passionnante, Paul Edwards nous conte par le menu la violente campagne orchestrée par nos modernes inquisiteurs contre sa nomination en qualité de professeur de philosophie au City college de New-York. Une campagne qui se règlera devant les tribunaux dans une atmosphère aussi survoltée qu'haineuse. Que lui reproche-t-on, outre ses « blasphèmes » ? D'être un « communiste », alors qu'il a toujours été critique vis-à-vis de l'expérience soviétique ; d'être un libertin, partisan de l'amour libre, qui ne condamne ni l'homosexualité ni l'onanisme ; d'être en mesure par son aura d'influencer les étudiants et de les détourner des chemins balisés par la foi. Et à ceux qui répondent que la vie de Bertrand Russell témoigne qu'il n'est en rien un pervers et un dépravé, le bon juge Mac Geehan rétorque : « Un homme méprisé et incapable ne risque pas de se voir imité, mais un homme respecté et d'une valeur exceptionnelle l'est sans avoir besoin de s'y employer. On assure que c'est le cas de Bertrand Russell, et il n'en est donc que plus dangereux. » Imparable ! <br />
Russell, qui enseignait alors en Californie, se voit refuser d'exercer à New-York. Et pour se prémunir de toute mauvaise surprise, comme l'annulation de la décision du juge en appel, le maire de la ville s'empresse de supprimer du budget initial la somme affectée à la chaire promise par ses pairs à Bertrand Russell. N'en concluez cependant pas que Russell ne put continuer à enseigner aux Etats-Unis. A Harvard puis en Pennsylvanie, les puritains ne surent trouver les moyens de le bannir du système éducatif. La chasse aux sorcières attendra la guerre froide...</p>La Tunisie d'Ennahdaurn:md5:f186b961ed3196f003453e5ee2b063372011-11-15T07:03:00+00:00PatsyActualité internationaleReligionTunisie<p>Chronique n°6 (novembre 2011)<br />
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En Tunisie, en octobre dernier, les urnes ont rendu leur verdict. Comme beaucoup le craignaient, ce sont les islamistes du parti Ennahda qui sont arrivés en tête. En tête, mais pas suffisamment pour gouverner seul. Au sein de cette Assemblée constituante, Ennahda sera donc à la tête d'une coalition chargée de préparer la nouvelle Constitution et de gérer une situation économique et sociale difficile.</p> <p>Certains parlent déjà de contre-révolution. Une modeste chronique radiophonique ne peut en quelques minutes analyser finement ce qui se joue de l'autre côté de la Méditerrannée. Je me permettrais juste quelques commentaires susceptibles, je l'espère, de titiller votre cogiteuse. <br /></p>
<p>Comme j'ai pu le dire en février dernier, la Révolution du jasmin était un soulèvement populaire, non une Révolution. Elle n'a pas mis à bas un système politique, social, économique mais chasser une fraction de l'élite au pouvoir dont l'arrogance et la cupidité avaient fini par lui aliéner le soutien de toute la population, y compris celles qui prospéraient peu ou prou sous sa gouverne.<br />
La victoire d'Ennahda nous rappelle que Tunis n'est pas la Tunisie, et la jeunesse éduquée et précarisée, francophone voire francophile, n'est qu'une des composantes de la population du pays. Les attentes de la Tunisie « inutile », celle de l'intérieur, abandonnée par le pouvoir, qui préférait investir dans la Tunisie « utile », celle de la côte et du tourisme de masse, sont différentes de celles des classes moyennes urbaines. Plus traditionnelles, les masses rurales tunisiennes veulent l'eau courante, l'électricité, des routes goudronnées, un Etat qui fonctionne et les désenclave. Elles veulent la justice et l'intégrité morale et se méfient comme de la peste des politiciens. Le fait que les partis laïques et démocratiques soient des partis d'intellectuels bourgeois, urbains, seulement présents dans les grandes villes du pays expliquent en grande partie la faiblesse de leur scores. A l'inverse, Ennahda symbolise la vertu et l'intégrité, cette intégrité qui a mené ses leaders durant de longues années derrière les barreaux sous Bourguiba puis Ben Ali. <br /></p>
<p>Ennahdah se réclame de l'AKP, parti islamiste turc au pouvoir depuis près de dix ans. A l'époque, certaines voix s'étaient élevées, hurlant que la Turquie allait basculer dans l'intégrisme. Il n'en a rien été. L'armée turque veille au grain. Elle incarne le kémalisme, c'est-à-dire, l'Etat autoritaire qui met à distance le religieux et se proclame laïc. Une armée qui a tenté, via la Cour constitutionnelle, de faire interdire l'AKP pour « activités anti-laïques » mais qui n'est pas parvenu à ses fins, sans doute sous la pression des grandes puissances qui s'accommodent fort bien du libéralisme économique promu par l'AKP et n'a guère envie que la Turquie ne retombe dans les turbulences politiques. En se réclamant de l'AKP, Ennahda joue ainsi la carte de la respectabilité. Elle sera conservatrice sur le plan culturel et libérale sur le plan économique. La Tunisie ne peut vivre en autarcie en s'appuyant sur le pétrole ou le gaz. Ennahda a donc conscience que le pays a besoin de devises, que le tourisme lui en apporte une part non négligeable, et autant dire indispensable, et qu'il lui serait difficile de faire cohabiter rigorisme islamique et tourisme de masse. <br /></p>
<p>Nul ne sait en fait de quoi demain sera fait. On peut insinuer qu'Ennahda cache son jeu et n'attend que le moment propice pour transformer la République tunisienne en République islamique. Mais rien ne dit qu'Ennahda ne se pliera pas aux règles du jeu de la démocratie bourgeoise, c'est-à-dire à l'alternance politique, le moment venu.<br />
Enfin, le fait que les classes populaires notamment rurales mais aussi urbaines aient voté majoritairement pour les islamistes d'Ennahda nous rappelle une chose. Pour qu’une révolution réussisse, il faut qu’elle nourrisse le peuple sans attendre, car celui-ci a besoin de voir sa situation sociale quotidienne changée rapidement. Dans le cas contraire, les « pauvres » remettent toujours leur sort entre les mains du bonimenteur le plus habile. Ici comme ailleurs...<br />
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Un peu de pub : je vous signale l'article de Habib dans le numéro de décembre de Courant alternatif<br />
<img src="http://patsy.blog.free.fr/public/.UneCA215-5ba97_s.jpg" alt="UneCA215-5ba97.png" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="UneCA215-5ba97.png, déc. 2011" /></p>La Bible, un point c'est tout !urn:md5:ee84439797e31ce2893ecac60b10400a2010-04-20T22:40:00+01:00PatsySociétéReligion<p><strong>Emission n°26 (avril 2010)</strong><br />
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Lundi soir dernier, cherchant à en perdre haleine de quoi alimenter mon émission hebdomadaire, je me suis mis à fureter au hasard dans mes archives électroniques. Je cherchais un truc drôle à vous raconter, histoire de pimenter un quotidien morose et bouché, et pas seulement par un fichu nuage de poussière islando-volcanique. C'est alors que je suis tombé sur une bien belle histoire qui raillait en 2004 les fondamentalistes chrétiens et leur lecture littérale de la Bible.</p> <p>En 2004 donc, une célèbre animatrice d'une radio américaine faisait remarquer à l’antenne que l'homosexualité était une perversion, bible à l'appui : « C'est ce que dit la Bible dans le livre du Lévitique, chapitre 18, verset 22 : « Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme : ce serait une abomination ». C'est clair, non? La Bible le dit. Un point c'est tout", affirma-t-elle.<br />
Quelques jours plus tard, un auditeur lui adressa une lettre ouverte disant ceci :<br />
« Merci de mettre autant de ferveur à éduquer les gens à la Loi de Dieu. J'apprends beaucoup à l'écoute de votre programme et j'essaie d'en faire profiter tout le monde. Mais j'aurais besoin de conseils quant à d’autres lois bibliques. Par exemple, je souhaiterais vendre ma fille comme servante, tel que c'est indiqué dans le livre de l'Exode, chapitre 21, verset 7. A votre avis, quel serait le meilleur prix ?<br />
Le Lévitique aussi, chapitre 25, verset 44, enseigne que je peux posséder des esclaves, hommes ou femmes, à condition qu'ils soient achetés dans des nations voisines. Un ami affirme que ceci est applicable aux Mexicains, mais pas aux Canadiens. Pourriez-vous m'éclairer sur ce point? Pourquoi est-ce que je ne peux pas posséder des esclaves canadiens ?<br />
Je sais que je ne suis autorisé à toucher aucune femme durant sa période menstruelle, comme l'ordonne le Lévitique, chapitre 18, verset 19. Comment puis-je savoir si elles le sont ou non ? J'ai essayé de le leur demander, mais de nombreuses femmes sont réservées ou se sentent offensées.
J'ai un voisin qui tient à travailler le samedi. L'Exode, chapitre 35, verset 2, dit clairement qu'il doit être condamné à mort. Suis-je obligé de le tuer moi-même ? Pourriez-vous me soulager de cette question gênante d'une quelconque manière ?<br />
Autre chose : le Lévitique, chapitre 21, verset 18, dit qu'on ne peut pas s'approcher de l'autel de Dieu si on a des problèmes de vue. J'ai besoin de lunettes pour lire. Mon acuité visuelle doit-elle être de 100% ? Serait-il possible de revoir cette exigence à la baisse ?<br />
Un dernier conseil. Mon oncle ne respecte pas ce que dit le Lévitique, chapitre 19, verset 19, en plantant deux types de culture différents dans le même champ. Idem pour sa femme qui porte des vêtements faits de différents tissus, coton et polyester. De plus, mon oncle passe ses journées à médire et à blasphémer. Est-il nécessaire d'aller jusqu'au bout de la procédure embarrassante de réunir tous les habitants du village pour lapider mon oncle et ma tante, comme le prescrit le Lévitique, chapitre 24, verset 10 à 16 ? On ne pourrait pas plutôt les brûler vifs au cours d'une réunion familiale privée, comme ça se fait avec ceux qui dorment avec des membres de leur belle-famille, tel qu'il est indiqué dans le livre sacré, chapitre 20, verset 14 ? Je me confie pleinement à votre aide. Merci de nous rappeler que la parole de Dieu est éternelle et immuable. Un point c'est tout. »<br /></p>
<p>Je ne sais si l'animatrice en question a répondu à ce facétieux interlocuteur. Et à vrai dire, je m'en fiche un peu. Cela me rappelle un discours pas si vieux que cela de Nicolas Sarkozy où cette Grande âme nous disait : « Une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité ». Sans le vouloir, il honorait là le fondamentalisme religieux. Parce que sans être théologien, philosophe ou spécialiste de l’histoire des religions, il me semble au contraire que l’évolution de la pensée religieuse doit beaucoup aux contingences historiques, à l’évolution de la pensée philosophique, à celle de la science, à l’évolution des rapports de production et de classe, à la nature des régimes politiques et sociaux. Le travail d’analyse, d’interprétation des textes religieux, ceux de la Bible, du Coran ou de la Torah, ne naissent pas de rien, hors du temps. Ils sont les produits d’une époque, d’un moment de l’histoire et des rapports de force. Un point c'est tout !</p>Alternatives Sud, numéro spécial sur le monde arabeurn:md5:44c65e99494f9e006ea8d3bb024753d42010-02-22T20:34:00+00:00PatsyNotes de lectureMonde arabeReligionSyndicalisme<p><strong>Emission n°20 (février 2010)</strong><br /></p>
<p><strong>Alternatives Sud</strong><br />
<em>Etat des résistances dans le sud – 2010 : Monde arabe</em><br />
Syllepse/centre tricontinental, 2009.<br /></p>
<p>Chaque fin d'année, la revue<em> Alternatives Sud</em> nous livre un volume faisant le point sur les mobilisations sociales et politiques ayant marqué une aire géographique donnée. En 2009, ce fut au tour du monde arabe d'être ainsi ausculté par une vingtaine de chercheurs et journalistes.</p> <p>Pour beaucoup de nos contemporains, le monde arabe a la figure du Fou de Dieu ou le visage d'une populace exaltée envahissant l'espace sporadiquement. S'intéresser au monde arabe et aux forces sociales, associatives ou syndicales, qui s'évertuent à bousculer l'ordre politique et social est une façon de remettre en question les « puissants lieux communs qui structurent l'imaginaire occidental ». C'est le cas de la « rue arabe » dont Asef Bayat nous explique qu'elle « est en quelque sorte devenue l'extension d'un autre concept tristement célèbre, celui d'« esprit arabe » qui lui aussi réifie dans une violente abstraction la culture et la conduite collective de tout un peuple. » <br /></p>
<p>Il n'y a pas de « rue arabe », ni d'esprit arabe, ni même, oserais-je, de monde arabe. Tout doit se conjuguer au pluriel, car le monde arabe est pluriel : il y a des micro-Etats et d'autres comptant des dizaines de millions d'habitants ; il y a des régimes autoritaires et d'autres... qui le sont moins ; certains Etats vivent uniquement de la rente pétrolière et d'autres qui ont bâti un secteur industriel...<br />
Bien que divers, ces mondes arabes n'en vivent pas moins des secousses similaires. C'est ce qui ressort de la lecture des quinze monographies de ce volume qui nous emmènent de Maroc au Yémen, en passant par la Libye et la Syrie.<br /></p>
<p>Il y a évidemment la poussée des forces politiques se réclamant de l'Islam radical. <br />
Au nom du néolibéralisme triomphant et de la bonne gouvernance, les Etats ne sont plus en mesure d'offrir des débouchés rémunérateurs à leur jeunesse. Mis sous surveillance par le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale, ces Etats ont dû effectuer des coupes sombres et renoncer à intégrer dans une fonction publique aussi pléthorique qu'incompétente une jeunesse de plus en plus éduquée qui n'a plus alors comme perspectives que le chômage ou l'exil. De même, la classe moyenne a vu sa situation sociale se dégrader.
C'est sur ce terreau social fait de frustrations et de paupérisation que l'Islam radical fleurit ; il fleurit d'autant plus facilement que le « socialisme réel » s'est effondré et n'attire plus les élites arabes éduquées, que la corruption généralisée des élites au pouvoir est devenue d'autant plus condamnable qu'il y a moins de redistribution à en attendre, que les relais dont disposaient les pouvoirs, comme les syndicats officiels, sont de moins en moins perçues comme des outils susceptibles de permettre l'ascension sociale ou de faire remonter vers les sommets les colères de la base. Intégrés au régime, bureaucratisés, ils sont dédaignés par les travailleurs. Ils ne parviennent plus à sonder et surtout canaliser une base qui se dérobe sur leurs pieds. D’où l’émergence de structures de luttes en marge de ces officines gouvernementales qui gênent profondément les régimes en place et les obligent soit à les réprimer, soit à en coopter les leaders. Sur le plan politique, Nicolas Dot-Pouillard souligne que des coalitions insolites se mettent en place pour s’opposer aux pouvoirs. Coalitions rassemblant islamistes, nationalistes et militants de la gauche laïque, unis dans la lutte électorale comme au Yémen, unis par l’incarcération comme en témoigne le « document des prisonniers » palestiniens de 2006 signé par des prisonniers politiques du Hamas, du Fatah, du Jihad islamique, du FDLP et du FPLP. Il n’en demeure pas moins que le ciment de ces unions « contre-nature » est bien le nationalisme et non l’idéal « socialiste progressiste » marxisant et panarabe, qui lui, est bien en crise dans la région. Coalitions bien fragiles car le mouvement islamiste, radical ou modéré, n’a rien à offrir d’autre qu’évergétisme et moralisme comme solutions à la misère sociale.<br /></p>
<p>On aurait tort de réduire la contestation arabe à la figure du barbu fondamentaliste. Les sociétés arabes bougent, se questionnent, revendiquent. Ce sont des travailleurs qui font grève ou font part de leurs doléances en court-circuitant les syndicats officiels ; ce sont des paysans qui tentent de résister aux expropriations de terre ou qui réclament une juste répartition des ressources en eau ; ce sont des journalistes et des avocats qui réclament la démocratie politique, l'arrêt de la censure, le droit d'association et de manifestation ; ce sont des femmes qui revendiquent le droit de vivre plus librement que leurs mères ; ce sont aussi les fractions marginalisées de la classe dominante qui essaient de renégocier une meilleur part du gâteau, à leur profit, quitte, pour cela, à agiter le drapeau de la démocratie bourgeoise. Pascal Ménoret souligne par exemple que « l'Arabie saoudite est passée en vingt ans d'une société rurale, traditionnelle, patriarcale et familiale à une société individualiste et urbanisée » dans laquelle les femmes sont parvenus à prendre la parole. <br />
Le développement des nouvelles technologies de l'information, des paraboles aux téléphones portables, en passant par le fameux Facebook, a changé profondément la donne : les régimes autoritaires n'ont plus le monopole de l'information. Le monde et sa modernité entre dans les foyers et vient éroder un peu plus la légitimité des pouvoirs en place et leur rituels d’autocélébration. <br /></p>
<p>En nous apportant des éclairages sur les dynamiques politiques, sociales et culturelles à l’œuvre dans le monde arabe, Alternatives Sud fait œuvre de salubrité publique, tant le regard que l’on porte sur cette partie du monde est marqué par notre occidentalo-centrisme et la rhétorique grossière et culturaliste des medias de masse.</p>Confluences Méditerranée : Liban, de problèmes en crisesurn:md5:f03ebba28ee29afe8a6c53f81ed95c042010-01-24T12:37:00+00:00PatsyNotes de lectureDémocratie bourgeoiseLibanReligion<p><strong>Emission n°16 (janvier 2010)</strong><br /></p>
<p><strong>Confluences Méditerranée</strong>, n°70 (Eté 2009,<em> Liban, de problèmes en crises</em>), L'Harmattan.<br /></p>
<p>« Pour que je revienne aux urnes, il faudrait d'autres candidats. Des candidats qui ne soient pas le produit d'un système féodal totalement dépourvu de sens, des candidats qui ne soient pas issus de familles dont l'histoire est sanglante, des candidats intègres et qui défendent des principes qui me tiennent à coeur. » Ainsi parle Samar, Libanaise d'une trentaine d'années. En peu de mots, cette jeune femme éduquée qui travaille dans une ONG résume fort bien la situation politique du Liban, pays qui fait l'objet du dernier numéro de la revue <em>Confluences Méditerranée</em>.</p> <p>Une douzaine de chercheurs et journalistes ont été invités à dresser le tableau de ce pays-mosaïque où les élites de toutes les confessions se disputent le pouvoir depuis des décennies. <br /></p>
<p>Les dernières élections législatives de juin 2009, marquées par un fort abstentionnisme, n'ont guère apporté de motifs d'espoir. L'heure est plutôt au raidissement. Le politologue Sami Aoun souligne ainsi que la gauche et le camp laïque ont disparu des bancs de l'Assemblée nationale au profit des forces politiques confessionnelles. Car il n'y a pas de « citoyens » au Liban, mais des Chrétiens, des Sunnites, des Chiites, des Druzes qui se rendent aux urnes et apportent majoritairement leurs suffrages aux caciques qui se présentent comme les représentants légitimes de la communauté. Il n'y a pas de « citoyens » au Liban mais des clientèles électorales captives qui se mettent sous la protection d'un chef, votent et attendent en retour que celui-ci leur permette de vivre mieux au quotidien. Confessionnalisme et clientélisme sont les deux piliers du système politique libanais. Et il n'y a aucune raison que cela change. L'économiste René Yerli nous explique ainsi que « le repli communautaire alimenté par la pauvreté grandissante dans un pays où les filets sociaux ultimes sont fournis non par l'Etat mais par la famille proche et souvent par la grande famille qu'est la communauté religieuse permet à certaines élites dirigeantes communautaires de récupérer politiquement les couches les plus pauvres de leur communauté par l'intermédiaire des services sociaux privés. » C'est le cas notamment du Hezbollah, représentant hégémonique de la communauté chiite, qui creuse des puits, forme à l'agriculture, tient des écoles et des hôpitaux, assure la distribution d'eau potable et d'électricité dans les zones qu'il contrôle. <br /></p>
<p>L'économiste Ziad Hafez n'y va pas quatre chemins. A ses yeux, le Liban « n'est désormais qu'une confédération de communautés religieuses et de tribus ». Le Libanais est pieds et poings liés. Il n'existe pas en dehors de sa communauté : « Instrumentalisant la religion pour justifier l'injustifiable, <a href="http://patsy.blog.free.fr/index.php?post/2010/01/24/l'establishment politique libanais" title="l'establishment politique libanais">l'establishment politique libanais</a> exacerbe délibérément les peurs, les angoisses, et mêmes les fantasmes pour consolider une mentalité de siège et d'assiégé. Ainsi, la communauté est en danger si les chefs de ladite communauté n'obtiennent pas « leur part du gâteau ». leur intérêt personnel est assimilé à celui de la communauté (...) Un climat de suspicion domine alors le comportement des factions. »<br /></p>
<p>Tenir la machine étatique, ne serait-ce que par un bout, c'est avoir l'assurance d'avoir accès aux ressources financières, c'est être en mesure de faire avancer ses affaires et celles de ses amis, c'est être en capacité d'être corruptibles, c'est se constituer une rente. Les politiciens libanais sont des prédateurs dont le principal souci est de ne pas se retrouver exclus du jeu. D'où des alliances pouvant apparaître contre-nature aux profanes, comme celle liant le Hezbollah, mouvement chiite pro-syrien, et le parti du général Aoun, chrétien maronite anti-syrien, où les volte-faces du chef druze Walid Jumblatt, qui fut longtemps l'ami du pouvoir syrien et l'ennemi des milices chrétiennes, avant d'agonir d'injures Bachir El-Assad et d'en appeler à une alliance interconfessionnelle. <br /></p>
<p>L'histoire du Liban contemporain est une histoire de consensus et de dissensus comme le souligne Ghassan El-Ezzi : « Ce régime alterne ainsi entre les phases de « consensus » où les leaders se partagent le gâteau du pouvoir, et les phases de « dissensus », souvent pour des raisons qui les dépassent, qui portent les germes d'un conflit et même d'une « guerre pour les autres », à savoir leur « protecteurs » étrangers. »<br /></p>
<p>Il faudra du temps avant que Samar ne se réconcilie avec la « démocratie libanaise ».</p>
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<p>Cette note a été publiée dans le n°198 (mars 2010) de <strong>Courant alternatif</strong>.</p>